Le Mont Rose culmine à 82 mètres au-dessus de l’ancien port de pêche à filets de la madrague de Montredon et de la calanque de Saména dans le 8e arrondissement de Marseille. En cette saison très fleurie, il porte admirablement bien son nom. Rose vif des bouquets de centranthe et celui plus pâle des liserons fausse-guimauve explosent parmi les hautes herbes qui commencent à jaunir. Partagé entre garrigue et littoral, il est d’une grande diversité végétale. Un lieu idéal pour la première sortie botanique du groupe local marseillais de la LPO.
Un samedi après-midi, sous un ciel sans nuages, le décor a un avant-goût d’été : l’air est chaud, nous croiserons beaucoup de promeneurs et de nombreuses personnes prennent un bain de soleil sur les rochers plats près du littoral. Après quelques retards dus aux traditionnels embouteillages du week-end, le groupe est enfin complet et nous pouvons enfin commencer les observations avec une plante très commune de la famille des malvacées, la mauve sylvestre (Malva sylvestris). Avant l’observation, j’avertis le groupe composé d’une dizaine de personnes, d’âge très hétérogène, qu’un petit détail permet de distinguer le genre Malva des autres malvacées. A l’aide d’une application mobile qui sert à la fois de carnet d’observations botaniques et d’herbier numérique ou d’un document papier reprenant la trame du logiciel, les participants commencent à examiner pas-à-pas la plante herbacée et se familiarisent avec les différentes parties : tige, feuille, fleur et organes sexuels.
Certains remarquent que la tige est poilue, que les feuilles sont alternes, qu’elles sont poilues également, de forme palmatifide ou palmatilobée et ont un contour crénelé. Bien sûr, les cinq magnifiques pétales mauves des fleurs veinés de violet ne passent pas inaperçus. Sous la corolle, cinq sépales soudés, en partie recouverts par une deuxième couche verte composée de trois petites feuilles qu’on appelle bractéoles : c’est le calicule. C’est cet organe minuscule qui distingue le genre Malva des autres malvacées. Je leur fais remarquer qu’au sommet du pétiole, un petit point mauve est visible. C’est très courant chez la mauve sylvestre mais comme c’est une plante polymorphe, ce n’est pas toujours vrai. Nous remarquons qu’au centre de la fleur, se dresse le pistil ici entouré de nombreuses étamines et que parfois le pistil se divise en plusieurs styles. La mauve est donc une plante hermaphrodite.
La mauve sylvestre est très consommée pour ses vertus médicinales ou ses qualités nutritionnelles. Elle atténue la douleur, aide à tousser. C’est aussi un laxatif. Bien qu’elles aient un goût peu prononcé, les feuilles sont beaucoup consommées dans des pays comme le Maroc, l’Italie, Chypre, l’Égypte ou la Cisjordanie pour leur richesse en vitamines A, B1, B2 et C ainsi que leurs sels minéraux sous forme de soupes ou mijotés avec d’autres légumes. Les fleurs et les fruits peuvent se manger crus.
Comme toutes les fleurs, celles de la mauve nourrissent de nombreux insectes grâce à leur nectar. En contrepartie, ils répandront malgré eux le pollen s’accumulant sur leur corps sur d’autres fleurs. Ainsi ils assureront la fécondation et permettront à la plante de fructifier. La mauve sylvestre et le genre Malva en général assurent également un rôle important pour certaines espèces de papillons notamment beaucoup d’hespéries et la belle-dame, une espèce de la famille des vulcains.
Après cette observation, nous empruntons le boulevard du Mont Redon qui est en fait une impasse vers la mer. En face des habitations, se mélangent luzernes arborescentes, figuier, centranthe rouge et séneçon cinéraire reconnaissable grâce à son feuillage cendré d’un côté et blanc de l’autre ainsi que son inflorescence en plusieurs capitules jaunes.
Un peu plus loin, nous quittons la route pour un sentier de terre qui monte légèrement, bordé par de nombreux astérolides maritimes et des coquelicots butinés ou habités par de nombreux insectes. En haut d’un escalier de pierre où pousse de la salsepareille, nous remarquons que la végétation est très clairsemée et que la plupart des plantes sont très basses et très étalées. On dit qu’elles forment des coussins comme l’astérolide maritime (Pallenis maritima) que nous prenons le temps d’observer en détail. Cette plante herbacée et menacée pousse majoritairement dans notre département et elle est essentiellement répartie sur la côte bleue entre Port-de-Bouc et Niolon, ainsi que dans le Parc National des Calanques (îles comprises) du Mont Rose à Morgiou. Comme toutes les plantes de la famille des astéracées dont elle fait partie, son inflorescence est un capitule : ici, il est composé d’un disque brun et de ligules tridentées jaunes. Il est entouré de bractées coriaces, longues et poilues d’un vert très sombre. Les feuilles spatulées sont velues des deux côtés, sessiles et alternes.
Un peu plus loin, à côté d’un ophrys jaune malheureusement fané, apparaît le fameux « coussin de belle-mère », également nommé astragale de Marseille (Astragalus massiliensis), une plante très menacée et protégée. C’est un sous-arbrisseau nain aux feuilles composées, paripennées au rachis épineux de la famille des fabacées (ou légumineuses) comme les trèfles, les genêts, les pois… Contrairement à ce que l’on pourrait croire, elle ne pousse pas qu’à Marseille, bien que ses populations les plus nombreuses se trouvent dans une zone très restreinte du Parc National des Calanques entre le Mont Rose et le Cap Croisette, ainsi que sur les îles. Elle est présente aussi à La Ciotat, un peu dans le Var et même au sud de la péninsule ibérique. Ses fleurs papilionacées sont typiques de la famille. Elles ont une symétrie zygomorphique, une carène violacée, deux « dents » latérales et un pétale dressé blancs. Le calice est recouvert de poils noirs.

Les plantes du genre Astragalus peuvent servir de plante hôte à des papillons comme le soufré, le souci et plusieurs azurés.
Sur la gauche, dans une touffe vert foncé, se distinguent les délicates fleurs bleu ciel de l’aphyllanthe de Montpellier (Aphyllanthes monspeliensis) de la famille des asparagacées. Son nom veut dire littéralement plante sans feuille car son appareil foliaire se résume à une petite gaine au pied de la tige et c’est la tige qui assure le rôle de feuille. Autre particularité : l’aphyllanthe n’a pas de sépales, mais seulement une bractée translucide sous la fleur. Ses fleurs sont donc composées de tépales car les beaux éléments colorés constituent l’enveloppe externe du bouton, comme chez l’astragale ramifié un peu plus loin dont certains bourgeons sont encore visibles au sommet de la hampe florale. En revanche, sur le coquelicot que nous avions observé un peu plus tôt, nous remarquons que le calice n’apparaît pas sous la corolle. Pourtant, les boutons ont bien une enveloppe verte. Alors tépales ou pétales ? Pétales car chez cette espèce, les sépales sont caducs : ils tombent tout seul.

A gauche du sentier, un peu isolé, un arbrisseau déjà vu plusieurs fois sur ce petit parcours porte encore ses fleurs jaunes et beaucoup de fruits, des gousses spiralées. Cette plante ligneuse de la famille des fabacées, c’est la luzerne arborescente (Medicago arborea). Outre ses fleurs jaunes à symétrie zygomorphique, elle est reconnaissable grâce à ses feuilles à trois folioles légèrement obcordés (en forme de cœur tourné vers l’extérieur), alternes et pétiolées.
C’est une plante considérée comme invasive car à cause de sa hauteur, elle concurrence les plantes en coussins comme l’astragale de Marseille, l’astérolide maritime ou le lotier faux-cytise. La particularité des fabacées est de pouvoir restituer l’azote de l’air dans le sol grâce à une bactérie de leurs racines. Comme cet élément est un des composants essentiels à la plante avec le phosphore et le potassium, la plante a le pouvoir de fertiliser le sol. Elle arrive donc à s’implanter même sur des sols très peu hospitaliers, d’autant plus qu’elle fructifie beaucoup. Elle a donc fait l’objet de campagnes d’arrachage notamment sur l’île de Ratonneau ou à Morgiou et les résultats ont été probants. Néanmoins, les espèces du genre Medicago servent également de plante hôte à de nombreux papillons comme le souci, le soufré, le faux-cuivré smaragdin et plusieurs azurés.
Quelques goélands leucophée planent au dessus de notre bonne mer, la Méditerranée. Une légère brise rafraîchit un peu. Des bateaux passent au large de l’archipel du Frioul. Un peu plus au sud, la silhouette très élancée du phare du Planier se révèle à nos yeux.
Il reste encore deux plantes à découvrir, mais pour les observer, il faut aller au cirque de Saména de l’autre côté de la route. Deux personnes du groupe feront demi-tour. Les autres finissent de contourner le Mont en passant par la calanque de Samena dans laquelle se baignent quelques personnes. « Elle est très polluée », souligne à juste titre une des plus jeunes participantes. Au plomb et au nickel notamment à cause de l’ancienne usine en face du Mont Rose qui a d’abord été une fonderie de plomb puis un fabricant d’acide tartrique avant de cesser son activité en 2009.
Un choucas des tours se repose sur le fil d’une ligne téléphonique. Avec cette luminosité intense, on distingue bien le contraste entre sa face sombre et l’arrière de sa tête plus claire. On dépasse un carré de plantes exotiques recouvert de griffes de sorcière dont les feuilles sont très charnues, quelques agaves américaines aux hampes florales très développées et figuiers de barbarie. Plus loin, une autre participante aperçoit sous des articles d’un petit figuier de barbarie, sur une muraille blanche, un petit reptile parfaitement camouflé. C’est une tarente de Maurétanie.
Deux personnes restent pour les deux dernières plantes dont le pin d’Alep (pinus Halepensis) appelé aussi pin blanc de Provence parce qu’il couvre plus de 230 000 hectares dans notre région et que son écorce sur ses parties les plus jeunes est d’un gris clair qui apparaît presque blanc au soleil. Nous finissons avec la très belle nigelle de Damas (Nigella damascus), reconnaissable avec ses tépales bleus et son verticille de feuilles multifides sous sa fleur qu’on pourrait prendre pour des sépales. Du rose, du rouge, du bleu, du jaune, du vert, du blanc, on peut dire que je leur en ai fais voir de toutes les couleurs pour cette première sortie botanique.

Tige : partie de la plante qui porte les feuilles. Elle est composée de nœuds et d’entrenœuds.
Nœud : point où s’insère la feuille sur la tige.
Entrenoeud : espace entre deux nœuds.
Feuille : elle assure la fonction chlorophyllienne. Les feuilles simples sont composées d’un limbe et très souvent d’un pétiole ; les composées, d’un rachis qui porte les folioles, et éventuellement d’un pétiole. Si le nombre de folioles est pair, les feuilles sont paripennées. Si le nombre est impair, les feuilles sont imparipennées.
Limbe : grande surface verte de la feuille
Pétiole : partie étroite de la feuille qui relie le limbe à la tige.
Alterne : aucune feuille fait face à une autre sur la tige.
Pétales : Éléments colorés ou blancs de la feuille. Ils peuvent être libres ou soudés. S’il n’y a pas de sépales et qu’il constituent l’enveloppe externe du bourgeon, on les appelle tépales.
Corolle : ensemble des pétales soudés ou non.
Sépales : Divisions de l’enveloppe externe du bourgeon de couleur verte à l’aspect d’une feuille. Ils peuvent être libres ou soudés.
Calice : Ensemble des sépales.
Calicule : sorte de couche supplémentaire recouvrant partiellement le calice. Il est composé de bractéoles.
Pistil : ensemble des organes sexuels féminins. Synonyme de gynécée.
Étamine : organe mâle qui produit le pollen. Elle est constituée d’un filet et d’une anthère.
Androcée : ensemble des étamines.
Inflorescence : ensemble de fleurs formant des groupes uniformes.
Capitule : inflorescence ressemblant à une seule fleur. Toutes les fleurs sont réunies sur un même réceptacle composé d’un disque central et souvent entouré de fleurs qui ressemblent à des pétales qu’on appelle ligules. Le capitule est entouré de bractées qu’on appelle involucre.
Arbrisseau : Plante à plusieurs tiges ligneuses partant de la base. Un sous-arbrisseau est un arbrisseau de petite taille.
Zygomorphique : Un seul axe de symétrie.
Actinomorphe : Symétrie radiale. Plusieurs axes de symétrie.
Carène : Deux pétales soudés contenant les organes sexuels chez la famille des fabacées.
Articles : Grosses feuilles très coriaces des figuiers de barbarie.
Espèces observées ou citées
Caprifoliacées
Centranthe rouge (Centranthus ruber)
Convolvulacées
Liseron Fausse-guimauve (Convolvulus althaeoides)
Malvacées
Mauve sylvestre (Malva sylvestris)
Fabacées
Luzerne arborescente (Medicago arborea)
Astragale de Marseille (Astragalus massiliensis)
Lotier faux-cytise (Lotus cytisoides)
Moracées
Figuier (Ficus carica)
Asteracées
Séneçon cinéraire (Jacobaea maritima)
Astérolide maritime (Pallenis maritima)
Papaveracées
Coquelicot (Papaver rhoeas)
Orchidacées
Ophrys jaune (Ophrys lutea)
Aizoacées
Carprobotus (Espèce non étudiée)
Cactacées
Opuntia (Espèce non étudiée)
Agavacées
Agave américaine (Agave americana)
Pinacées
Pin d’Alep (Pinus Halepensis)
Ranunculacées
Nigelle de Damas (Nigella damascus)
Oiseaux
Goéland leucophée
Choucas des tours
Reptiles
Tarente de Maurétanie
Nombreux insectes (fourmis, papillons, abeilles, bourdons, punaises…)
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