Les Rroms : le peuple « maudit »

Le sort semble s’acharner sur sur le peuple rrom. Déportés d’Inde au 11e siècle, puis esclaves en Moldavie et en Roumanie du 15e au 19e et exterminés en grand nombre par les Nazis, aujourd’hui, ils sont encore fortement discriminés dans la plupart des pays d’Europe. Afin de mieux connaître ce peuple, voici quelques éléments de leur histoire et de leur culture.

Les Rroms seraient originaires de la moyenne vallée du Gange en Inde et plus précisément de la ville de Kannauj. D’après Marcel Courthiade, professeur spécialisé sur la question des Rroms à l’Institut National des Langues et Civilisations Orientales de Paris, ils auraient été déportés. Le 21 décembre 1018, le sultan Mahmûd de Ghaznî, qui est à la tête de l’empire ghaznavide, pille la ville indienne de Kannauj, capture et emporte avec lui ses 53 000 habitants, qu’il vendra par la suite sur les marchés de Kaboul.

Autrefois nomades, aujourd’hui, 96 % des Rroms européens sont sédentaires. On estime la population des Rroms européens à 12 000 000 d’individus, dont la plupart vivent en Roumanie et Bulgarie. Les Rroms ne sont pas un peuple uniforme : on distingue les « orientaux », majoritaires (85 %), des Sintés ou « manouches » (4 %), des Kalés ou « gitans » (10 %) et des Gypsies (0,5 %).

Dans certains pays, le terme « tsigane », souvent utilisé pour désigner les Rroms, est considéré comme péjoratif, car étymologiquement, il renvoie à tous les clichés (voleurs, fourbes, malpropres…), mais il est surtout inexact d’un point de vue historique. « Tsigane » vient du grec Atsinganos et désignait une secte de l’empire Byzantin jusqu’au XIe siècle, dont les fidèles ne voulaient pas se mélanger aux autres. Rien à voir avec les Rroms qui ne sont arrivés dans cette région qu’au XII e siècle. Pourtant, à l’arrivée des Rroms, la population locale pensait que les nouveaux arrivants faisaient partie de la secte et les appelait « tsiganes ».

De plus, depuis la seconde guerre mondiale, « tsigane » rappelle l’histoire tragique du peuple rrom. 25 à 50 % de « Zigeuner » (tsiganes en allemand) soit environ 500 000 individus ont été exterminés par les Nazis, estiment les historiens. Les Rroms appellent ce génocide « Samudaripen », un néologisme qui signifie « meutre collectif total ». Le terme « Porajmos » est également souvent utilisé, mais selon Saimir Mile, président de l’association française « la voix des Rroms », il est impropre : « Porajmos ou Porrajmos ou Porraimos signifie l’écartèlement et a une connotation sexuelle (c’est la défloraison d’une vierge). Le mot a malencontreusement été mis en circulation par Ian Hancock, un intellectuel que j’apprécie beaucoup, et qui lui trouvait le sens « dévoration » : ce qui est totalement faux. Le mot est à proscrire du vocabulaire pour cette raison. »

Depuis le congrès de l’union rrom internationale de Londres en 1971, la plupart des « orientaux » revendiquent le terme « rrom ». En revanche, les gitans ne veulent pas être appelés ainsi. Mais ils se sont quand même mis d’accord sur le drapeau, composé de deux bandes horizontales bleue et verte superposées d’une roue rouge. Le bleu symbolise la liberté, le ciel et les valeurs spirituelles, tandis que le vert fait référence à la nature, la fertilité et les choses matérielles. La roue, quant à elle, renvoie à leurs origines nomades et géographiques : elle ressemble beaucoup à celle du drapeau indien.

La langue traditionnelle des Rroms s’appelle le rromani, mais ce terme n’a aucun lien avec l’étymologie du mot « roumain ». Il est issu du sanskrit « Ḍomba» qui signifie « celui qui crée de ses mains ». Le rromani est très proche de l’hindi, mais a été influencé au cours du temps par les langues des pays que les Rroms ont fréquentés. Dans son lexique, environ 900 mots ont une origine indienne. D’autres mots proviennent des langues grecque (200), arménienne (20), du Khorassan (80), turque, géorgienne et slaves. Entre 6 et 8 millions de personnes parleraient le rromani en Europe (soit 95 % du peuple rrom).

Paru dans Bucarest Hebdo

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