Antoine et Patrick de Saint-Exupéry ne partagent pas que le même nom, des ancêtres communs ou le goût pour les voyages. Grâce à une écriture limpide, imagée et incroyablement vivante, les récits de ces deux hommes plongent le lecteur au cœur de l’action. Mais si l’aviateur pouvait utiliser son vécu incroyable pour écrire de sublimes histoires comme “Le Petit Prince”, le second est ancré dans le réel. Longtemps grand reporter au Figaro, il a couvert de nombreux pays, mais c’est le Rwanda qu’il découvre en 1990 à l’âge de 28 ans qui le marquera à tout jamais. Quatre ans plus tard, dans la nuit du 6 au 7 avril, a commencé un des plus violents génocides de l’Histoire : en l’espace de trois mois, près d’un million de Tutsi ont été massacrés par les Hutu au pouvoir. L’année précédente, les Tutsi avaient déjà été victimes de violents progroms alimentés par la propagande de la Radio des Mille Collines qui les assimilait à des cafards qu’il fallait exterminer. La France qui entretenait de très bonnes relations avec le président rwandais hutu Juvénal Habyarimana, assassiné dans la nuit du 6 avril, connaissait très bien la situation, savait qu’un génocide pouvait avoir lieu, et n’a rien fait pour arrêter les massacres. Au contraire, l’Armée française participe à la formation des unités d’élite de la garde présidentielle et apporte un soutien logistique au régime hutu. Patrick de Saint-Exupéry précise que seule une poignée d’hommes politiques étaient au courant et agissaient dans l’ombre. Parmi elles, le président français François Mitterand, son premier Ministre Edouard Balladur, son Ministre des Affaires Etrangères Alain Juppé, son secrétaire d’Etat à l’Elysée Hubert Védrine, son Ministre de la Défense François Léotard, ainsi que Dominique de Villepin, membre du cabinet du Ministère des Affaires Etrangères. Aujourd’hui rédacteur en chef de la revue XXI qu’il a aussi fondée, il participait à l’organisation du festival du journalisme vivant de Couthures-sur-Garonne du 27 au 29 juillet 2016. Rencontre.
Vous êtes allé la première fois au Rwanda en 1990. Comment vous imaginiez-vous le pays avant d’y mettre le pays ?
Qui a eu l’idée d’aller là-bas ? Vous ou votre rédaction ?
Quelles étaient les relations entre la France et le Rwanda à cette époque ?
De plus en plus de chercheurs, journalistes et militants associatifs désignent la France comme complice du génocide des Tutsi. Dans votre ouvrage “complices de l’inavouable”, vous précisé que seule une poignée d’individus ont agi dans le plus secret. Le Parlement et de nombreux ministres n’étaient pas au courant…
Là, vous parlez de collaboration. Pourtant, c’est bien le mot “complices” que vous avez utilisé pour votre livre…
Dans ce livre, vous vous adressez tout le long à Dominique de Villepin, membre du cabinet du Ministère des Affaires Etrangères en 1994. Vous a-t-il répondu personnellement ?
Avez-vous été l’objet de menaces après avoir travaillé sur le sujet ?
Oui, mais les intimidations, ça existe…
Lorsque vous travailliez pour le Figaro, est-ce que vos supérieurs hiérarchiques intervenaient dans la rédaction de vos articles ?
Pour quelles raisons Paris a-t-elle soutenu ce génocide ? On évoque l’aura de la francophonie dans l’Afrique du sud-est…
Le 7 avril 2015, l’Elysée annonçait qu’elle ne voyait aucune objection à la déclassification des documents liés à cette période. Et même d’anciennes personnalités impliquées dans cette affaire ont donné leur feu vert. Pourtant, rien n’a changé. Qu’est-ce qui bloque la déclassification ? Qu’apprendrait-on de ces documents ? Vous avez une petite idée ?
Aujourd’hui, au Burundi, certains observateurs et chercheurs parlent d’une situation de “pré-génocide”. Est-ce que vous ou un de vos journalistes êtes allés là-bas récemment ? La situation est-elle comparable à ce que vous avez vécu au Rwanda au début des années 90 ?
Propos recueillis par Thomas Arlès
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