Les Roumains encore discriminés dans l’UE

« Face à une telle bestialité, il faut inviter immédiatement l’ambassadeur roumain à quitter notre pays et considérer tout citoyen roumain comme un citoyen indésirable ». Cette déclaration-choc, on la doit à la députée européenne, Alessandra Mussolini. Elle fait suite à un fait-divers de novembre 2007, dans lequel Romulus Nicolae Mailat, un Roumain appartenant à la communauté rrom, aurait tué une Italienne, Giovanna Reggianni, près de la gare centrale de Rome. Mais la petite fille du « Duce » n’est pas la seule à avoir réagi d’une façon aussi violente. Le Parlement italien adopte une loi pour faciliter les renvois des ressortissants étrangers délinquants. Silvio Berluconi assimile les Rroms aux Roumains, alors que la plupart des « tsiganes » sont de nationalité italienne dans le pays.

Mais le feuilleton ne s’arrête pas là : l’été dernier, le gouvernement d’  « Il Cavaliere » veut recourir au fichage systématique des Rroms, y compris des enfants. En plus de l’état civil, relevés d’empreintes, religion et niveau d’instruction. Ce « recensement » serait censé faciliter la scolarisation et prévenir des risques sanitaires. Indignation dans la classe politique européenne : jugée discriminatoire, cette mesure est vivement contestée. Berlusconi, pour faire passer la pilule, projette d’élargir le fichage à l’ensemble des citoyens. Chacun aura ses empreintes digitales sur ses papiers d’identité, d’ici 2010. Profondément choqués et se sentant victimes d’une politique xénophobe, 3000 Rroms descendent dans les rues de la capitale pour revendiquer leurs droits de citoyens italiens ou européens.

Entre temps, le petit fait-divers a considérablement refroidi les relations entre la Roumanie et l’Italie, y compris dans les camps radicaux. Le groupe d’extrême-droite au Parlementaire Européen, Identité, Souveraineté, Tradition, dont faisait partie Alessandra Mussolini a été dissous, après ses propos violents contre les Roumains. En effet, les cinq eurodéputés du groupe appartenant au PRM ont démissionné. L’effectif passant sous la barre des 20 membres, ITS ne pouvait plus exister.

Malgré cela, l’Italie reste la principale destination des émigrants roumains. En l’intervalle d’un an, grâce à l’entrée de la Roumanie dans l’UE et même si les accords de l’espace Schengen ne sont pas encore appliqués dans le pays, la population de Roumains en Italie a pratiquement doublé : 393 000 au 1er janvier 2007, ils sont aujourd’hui 700 000. L’Espagne reste deuxième avec 500 000 ressortissants roumains sur son sol. Mais cette année, beaucoup de Roumains ont été expulsés. En France, le plus grand camp de Rroms roumains du pays a été « vidé » de ses 663 habitants, obligés de retourner chez eux. 24 familles, soit le tiers, ont quand même été choisies pour occuper des bungalows offerts par la mairie, en échange de promesses : apprendre la français, trouver un travail et scolariser leurs enfants. Et en Irlande, 300 Roumains ont été expulsés en 8 mois. Les motifs avancés sont toujours les mêmes : « tout ressortissant ne disposant de ressources nécessaires peut être renvoyé dans son pays d’origine ».

Pour rehausser l’image de ses ressortissants, le gouvernement roumain a lancé une campagne publicitaire. Diffusés pour le moment qu’en Italie et en Espagne aux heures de grande écoute, les spots de 20 s présentent des Roumains modèles à la tâche dans ces pays. Mais les Rroms ne soutiennent pas cette campagne, car ils ne sont pas représentés dans les vidéos.

Attirés par des salaires beaucoup plus élevés que ceux de leur pays, les Roumains émigrent le plus souvent pour une courte durée (inférieure à un an), et occupent souvent des postes dans les travaux manuels, délaissés par les autochtones. N’oublions pas les nombreux étudiants qui quittent leur pays, pour notamment, se perfectionner dans une langue étrangère. Ceux-là restent plus longtemps, et même certains y font leur vie. Il faut dire qu’il reste difficile pour un Roumain d’être médecin à l’étranger. Dans certains pays de l’UE, cette profession, comme celle d’architecte, ne reconnaît pas tous les diplômes décernés en Europe.

De plus, les plus vieux États membres de l’UE (ceux entrés avant 2001) se sont mis d’accord pour une liste de 150 métiers ouverts aux ressortissants des « nouveaux » (ceux entrés en 2001 ou 2007), mais pour le moment, dans la plupart des pays fondateurs, comme la France, seules 62 sont ouverts. Actuellement, les métiers proposés sont ceux qui manquent de main d’œuvre. Parmi eux, les professions du BTP, de l’agriculture, de l’hôtellerie, de la mécanique, et industrielles. Celles en attente font partie du secteur tertiaire (banques, informatique). Les ressortissants roumains doivent en plus disposer d’un titre de séjour et d’une autorisation de travail, et ce, jusqu’en 2014, durée fixée par les traités d’adhésion.

Paru dans BUCAREST HEBDO

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