Maurice Huleu, un homme de terrain

Grand, costaud, le crâne dégarni, le visage rond, vêtu d’un costume sobre, d’une redingote et d’un chapeau de feutre noir, Maurice Huleu, à son âge avancé, n’a rien du papy gâteux pantouflard. Même après plus de 38 ans de carrière, le journaliste a encore soif de connaissance et malgré son parcours exemplaire, le bonhomme a gardé toute son humilité. Aujourd’hui à la retraite, Maurice Huleu conserve un lien avec son ancienne profession, en formant les étudiants de l’école Nouvelles, à l’écriture journalistique, depuis 9 ans maintenant.

Au départ, Maurice Huleu ne s’était pas destiné au journalisme. « J’ai fait des études de droit. Après 5 ans, il fallait que je trouve un travail pour continuer. J’ai rencontré Claude Tabert, un ancien animateur de TMC, qui m’a engagé comme assistant pigiste. Ça m’a beaucoup plu. J’ai adoré le monde des médias. Jusqu’au jour où la chaîne a fait faillite et tout le monde a été viré ». », raconte le journaliste. Le jeune homme passe ensuite son Certificat d’Aptitude à la Profession d’Avocat et entre au barreau de Nice comme stagiaire. « Je m’ennuyais et j’avais la nostalgie du monde des médias. »

Quelques mois après, deux postes de rédacteurs se libèrent à Nice Matin. Maurice Huleu se porte candidat et est engagé. « Les recruteurs ont été intéressés par mon parcours dans le droit. ». , L’ancien avocat commence avec les « chiens écrasés », où il excelle. Il montera rapidement les échelons et deviendra par la suite reporter dans la toute la région et grand reporter. Le journaliste a connu ses plus belles expériences en Israël et en RDA. Homme de terrain, Maurice Huleu a du plaisir à raconter les événements liés au mur de Berlin. « J’ai été aussi très impressionné par la découverte de Jérusalem. Ça m’a fait un choc. », confesse le bonhomme derrière ses grandes lunettes rondes.

Pas touche au grisbi

En 1976, Maurice Huleu couvre l’affaire Spaggiari. Petit photographe niçois et ancien soldat en Indochine, Albert Spaggiari est fasciné par les polars. « Tous à l’égout » de Robert Pollock lui donne l’idée d’organiser son propre hold-up. En juillet 1976, aidé de 23 hommes, il cambriole la chambre forte du siège niçois de la Société Générale en passant par les égouts. L’homme réussit son coup et emporte avec lui « plus de 5 milliards d’anciens francs », se rappelle le journaliste. Le « Gentleman Cambrioleur », auteur du « Casse du siècle » entretiendra par la suite le mystère. L’homme serait ami avec des politiques niçois, « peut-être Jacques Médecin », dit-on à l’époque. C’est d’ailleurs Jacques Peyrat, qui prit sa défense. Albert Spaggiari réussit à s’enfuir de son procès et restera en cavale jusqu’à sa mort en 1989, à la suite d’un cancer.

De cette histoire qui fit couler beaucoup d’encre, Maurice Huleu a écrit le livre « Cinq milliards au bout de l’égout », sous le pseudonyme René-Louis Maurice, avec deux de ses confrères de Nice Matin. Publié en France par l’éditeur Jean-Claude Simoën, « ce polar où tous les faits sont réels » est aujourd’hui introuvable. Traduit pour l’Allemagne, les États-Unis et la Grande Bretagne par l’écrivain Ken Follet, auteur du best-seller « Les Piliers de la Terre », « Cinq milliards au bout de l’égout » a connu un vrai succès à l’étranger, « plus qu’en France », précise son auteur.

Grâce à l’autorisation de Michel Bavastro, le directeur de Nice matin de l’époque, Maurice Huleu a pu collaborer pour d’autres titres, notamment « l’Express » pour lequel il a été correspondant local. « C’était encore l’époque de Jean-Jacques Servan-Schreiber et Françoise Giroud. J’ai été très impressionné par ce couple singulier. J’avais un très grand respect pour eux. »

Un journalisme d’épiciers

Maurice Huleu finit sa carrière comme rédacteur en chef de Nice Matin, poste qu’il a quitté après le rachat du titre par Hachette. « Je ne voulais pas travailler comme un épicier », se justifie-t-il. Le journaliste a un code déontologique et a su rester cohérent avec ses valeurs tout au long de sa vie professionnelle. Aujourd’hui, la situation empire et Maurice Huleu se montre très pessimiste sur l’avenir de la presse en France. « Pour paraphraser Jean-François Kahn, l’heure des trois L a sonné : léchage, lâchage et lynchage. »

L’âge d’or du journalisme que Maurice Huleu a connu est révolu. Le journaliste médite aujourd’hui sur son passé et tout ce qu’il a vécu. « Je pratique le yoga. Ça le permet de garder cette belle sérénité, qui illumine mon visage », plaisante-il. De sa longue carrière, Maurice Huleu n’oublie pas sa rencontre avec Orson Welles ou Federico Fellini, qui l’avait invité dans ses célèbres studios à Rome. L’homme est un cinéphile. « Je vais au cinéma deux fois par semaine environ. Dernièrement, j’ai vu « la vie des Autres », Oscar du meilleur film étranger. L’action se passe en RDA. C’est une ambiance que j’ai connue. Ça m’a rappelé des souvenirs. »

Paru dans CURIEUX

 

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