Le Prince et la Fourchette

fourchette72dpiIl était une fois un beau prince qui vivait dans une grande maison de campagne. Sa demeure était le seul héritage de ses parents qui moururent longtemps auparavant. Il n’était marié à aucune princesse. Seul la servante partageait sa demeure. Ce prince avait l’habitude de manger avec une fourchette. Bien qu’elle ne se distinguait pas tellement des autres, le prince y tenait vraiment et prenait tous ses repas avec elle. D’ailleurs, il lui donnait le doux nom de Fourchette. C’était le prince qui allait lui-même la chercher dans le tiroir de la cuisine car lui seul savait la reconnaître.

Mais, un jour, le prince perdit la vue à la suite d’un accident. Comme les escaliers étaient étroits et en colimaçon, l’homme qui prenait désormais ses repas dans sa chambre du premier étage, ne put plus descendre à la salle à manger. C’était la servante qui les lui portait sur un plateau doré. Pour choisir les couverts du prince, la femme prenait toujours les moins rouillés. Comme Fourchette commençait à vieillir, elle n’était jamais choisie. Le prince le savait alors il était triste.

Mais, une journée printanière, Fourchette se réveilla car elle s’ennuyait beaucoup trop sans son prince. Elle se demandait ce qu’il était arrivé au prince pour qu’il l’ait abandonnée et elle pensait qu’il avait dû se passer quelque chose de grave pour qu’il ait fait une telle chose. Alors, elle décida de sortir du tiroir. Quelle courageuse entreprise ! Comment allait-elle faire pour s’évader de ce tiroir dont elle était prisonnière ? Elle demanda donc de l’aide à ses amis, les couteaux, qui malgré leur compréhension, lui répondirent qu’il était impossible de percer le tiroir à cause de sa robustesse.

Heureusement, l’heure du repas approchait. Fourchette entendit des bruits qui se rapprochaient ; puis, un bruit sourd et vit de la lumière et une grande main qui s’approchait d’elle mais qui, comme toujours, ne la prit pas. Pendant que la servante avait le dos tourné, Fourchette sortit du tiroir en sautant. Les couteaux lui dirent au revoir et lui souhaitèrent bonne chance. Fourchette rebondit ensuite sur le bord du tiroir et sur la table de la cuisine où était posé le plateau doré. Elle était dessus ! La fourchette déjà présente, s’écria avec arrogance :
– Que veux-tu, misérable fourchette ?
– Je veux retrouver le prince.
– Et pourquoi donc ?
– Parce que. . . je suis sa fourchette préférée et je suis sûre que je lui manque.
– Toi ? Si vieille ? Tu plaisantes ?
– Non, je. . .
Fourchette s’interrompit d’elle-même car elle se regarda et s’aperçut que l’arrogante fourchette n’avait pas tout à fait tort donc elle pleura :
– Je suis sûre qu’il m’aime encore. . .
– Je ne crois pas : ça fait plusieurs jours que je mange avec le prince et il m’a dit que J’étais Sa fourchette préférée.
Fourchette qui pleurait de plus en plus ne pouvait plus rien dire. La méchante fourchette continua : « T’as eu ton heure de gloire. Vas t’en maintenant ! Je dois dîner avec le prince. »
Fourchette commençait à douter : « Et si elle avait raison ? Et si le prince était devenu méchant ? » Tant pis, il fallait qu’elle trouve réponse à ses questions. Alors, elle se cacha et observa la servante qui montait avec le plateau doré. Fourchette se demandait pourquoi le prince ne mangeait plus dans la salle à manger du rez-de-chaussée. Elle resta cachée jusqu’à ce que la servante redescende, c’est-à-dire la fin du repas. Dès que la servante prit le chemin de sa chambre, Fourchette commença son périple.

Elle s’approcha du grand escalier. Elle escaladait péniblement chaque marche. Au bout de quelques instants, elle était presque à la moitié. Là, elle croisa un chat en train de poursuivre une souris. Fourchette, sans réfléchir, sauta sur la queue du petit animal. Son geste immobilisa la souris et régala le chat. Après avoir terminé son repas, le félin s’essuya les babines avec sa petite langue et parla avec Fourchette :

– Que fais-tu ici, petite fourchette ? commença le chat.
– Je vais voir le prince, répondit Fourchette.
– Je crois que ta visite lui fera plaisir. Depuis qu’il a perdu la vue, je ne l’ai jamais vu aussi triste.

Cette nouvelle fit autant de bien que de mal à Fourchette car elle savait maintenant que la méchante fourchette avait dit des mensonges et comprit pourquoi il l’avait abandonnée. Avec entrain, Fourchette commença à reprendre son chemin mais le chat l’arrêta : « Attends, Fourchette ! Tu m’as rendu un service tout à l’heure. Je dois donc t’en rendre un, aussi. Monte sur mon dos ! Je t’emmène voir le prince.

Fourchette remercia le chat et s’agrippa à sa fourrure et aussitôt, tous les deux filèrent en direction de la chambre du prince. Au fur et à mesure qu’ils se rapprochaient, Fourchette et le chat entendirent une musique douce ponctuée de pleurs de plus en plus forts. Arrivée devant la porte de la chambre, Fourchette descendit du chat qui ouvrit la porte et fila en disant au revoir. Fourchette pénétra la chambre. Elle vit le prince qui jouait du piano et pleurait. C’était de cette façon que le prince occupait ses journées. Fourchette s’approcha du prince. Soudain, l’homme s’arrêta de jouer et dit : « Fourchette, c’est toi ? » Mais Fourchette ne répondit pas tout de suite et elle monta sur le prince pour atteindre son oreille. Elle lui murmura : « Oui, tu m’as beaucoup manqué. » Et le prince pleura de joie. Fourchette raconta ensuite ses aventures (les couteaux, la méchante fourchette, le chat) et ses peurs que le prince écoutait avec une grande attention.

Les jours passèrent et le prince retrouva peu à peu la vue. Et un beau matin, le prince vit une jeune fille dans sa chambre à ses côtés qui lui dit :

– Bonjour, mon prince, as-tu bien dormi ?
Le prince, étonné, demanda : – Qui êtes-vous ? Où est Fourchette ?
– C’est moi, répondit la jeune fille.
Le prince qui ne comprenait pas grand chose dit : – C’est que tu es si jolie.
– On m’avait jeté un mauvais sort. Je m’appelle en réalité Myrtille.
– Quel joli nom ! dit le prince, en embrassant la jeune fille.
– Merci, Piel.
– Comment connais-tu mon nom ?
– Je suis une sorcière, une gentille sorcière.

Quelques mois plus tard, Piel et Myrtille se marièrent et eurent quatre enfants : un garçon, une fille et deux jumeaux. A la cérémonie, le chat et les couteaux étaient les invités d’honneur tandis que la méchante fourchette fut condamnée pour son arrogance.

Dessin : Sylvaine Ayache

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