Sœur Emmanuelle, ouvrière de la paix

Sœur Emmanuelle est morte la semaine dernière, un mois avant l’anniversaire de ses 100 ans. Elle incarnait les valeurs de sa religion : dévouement, paix, amour et solidarité

Sœur Emmanuelle incarnait la paix entre les peuples et les religions. De foi catholique, elle appartenait à la congrégation de Notre-Dame de Sion, proche du judaïsme. La religieuse a également passé la plus grande partie de sa vie dans des pays où l’Islam est majoritaire (Turquie, Tunisie, Egypte). Peut-être un moyen de faire passer que les trois grandes religions monothéistes doivent faire la paix et les fidèles, cesser de s’entretuer ?

La mort de son père, noyé sous ses propres yeux à la mer, à l’aube de ses six ans, la marque à vie. Après une vie d’adolescente, un peu rebelle – la jeune Madeleine, de son vrai nom, fume, aime faire la fête et aller au cinéma – elle décide de rentrer dans les ordres à 22 ans et choisit le prénom d’Emmanuelle. Ce prénom, qui signifie « Dieu est avec nous » en hébreu, était aussi le troisième de son père et se transmettait à tous les garçons de génération en génération dans sa famille. Un hommage à son très cher père disparu, peut-être, car elle a souvent dit que c’est la mort de son parent qui l’a menée vers Dieu.

Elle commence sa vie d’enseignante à Istanbul, puis elle la poursuit en Tunisie et en Egypte, à Alexandrie. Cette vie ne lui convient pas : son discours sur la pauvreté ne touche pas ses élèves, des filles issus de bonne famille. A Alexandrie, elle abandonne l’enseignement et préfère s’occuper des filles d’un quartier défavorisé. Cette expérience sur le terrain lui convient mieux. A sa retraite, elle continuera dans ce sens : elle s’installe dans un des bidonvilles les plus pauvres du Caire, parmi les « chiffonniers ». Beaucoup d’enfants vivent dans des conditions inacceptables : ils sont obligés de fouiller les poubelles pour trouver de quoi subsister et quelques objets à vendre. Soeur Emmanuelle partage la vie de ces habitants, des chrétiens coptes. Elle commence par organiser la récupération des déchets pour fabriquer du compost. « Il faut redonner vie à ce milieu mortel », disait-elle. Une partie des détritus sert de compost, donc d’engrais pour la culture. Cinq ans plus tard, la religieuse est rejointe par Sœur Sarah qui prendra le relais à son départ en 1993.

Aujourd’hui, grâce au dévouement des deux nonnes et aux dons de l’association AMEA, une école pour filles a pu être construite dans le bidonville. Si Sœur Emmanuelle était si dévouée, c’est parce qu’elle croyait profondément en la bonté humaine. « Un Homme ne naît pas tueur, il le devient à cause de facteurs : il doit savoir maîtriser ses pulsions de mort. », confessait-elle devant les caméras Elle aimait citer un poète musulman qui a dit : « Fends le coeur de l’Homme, tu verras un soleil ». Ouvrière de la paix et de la solidarité, elle a œuvré pour les plus pauvres, et son engagement a été reconnu par le président égyptien Moubarak qui lui a accordé la nationalité égyptienne en 1991. Un pas de plus vers l’amitié entre les religions.

Paru dans BUCAREST HEBDO

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