Ahmed Cherif Machichi, peintre en mouvement

Une luxueuse villa dans le quartier Aïn Diab à Casablanca à deux pas de l’océan. C’est là que vit Ahmed Cherif Machichi. C’est aussi à cet endroit que le peintre expose ses œuvres. Depuis quelque temps, l’homme âgé de 67 ans ne se consacre plus qu’à la peinture orientaliste. Fasciné par la beauté du Sud marocain, Ahmed Chérif Machichi peint ses habitants tel un anthropologue. Un scribe à genou à côté de villageois écrit ce qu’on lui dit. Sur un autre tableau, une femme au visage noir porte une cruche d’eau, la tête baissée. Sa beauté très humble illumine l’œuvre.

Tous les tableaux du peintre casablancais retiennent l’attention. Le visiteur pourrait passer des heures à observer ses scènes du quotidien. Telle la peinture de la Renaissance italienne, l’orientalisme joue avec les lumières, les couleurs, la perspective et le souci du détail. La plupart des œuvres de M. Machichi sont nées du fruit de son imagination. « Je peins beaucoup d’hommes et de femmes, mais rarement, on a posé pour moi. Je n’aime pas tellement faire des portraits. Je trouve ça très contraignant », déclare l’artiste. Une des seules fois où le peintre a accepté un portrait, la demande venait de Mohammed VI, juste avant qu’il prenne les rênes du pays. « Je l’avais peint en uniforme, lorsqu’il était chef d’Etat major des Forces Armées Royales. J’étais très fier de moi, car le futur roi avait été très satisfait de mon travail », ajoute M. Machichi, très ému.

Hassan II avait déjà remarqué le travail du peintre. En 1975, lors de la Marche Verte, Ahmed Chérif Machichi réalise un tableau représentant le cortège en bas relief. L’œuvre a été offerte au roi défunt par un de ses proches. Il faut dire que l’artiste est un des rares à pouvoir restituer aussi bien le mouvement. Les critiques ont longtemps surnommé Machichi, « peintre du mouvement ». Pas étonnant qu’en regardant le tableau en question, on ait l’impression de voir s’agiter les drapeaux rouges à la gloire du Maroc, et entendre la foule en liesse crier « le Sahara sera bientôt de nouveau à nous ! ».

En observant les œuvres de Machichi, on est plongé dans un monde beau comme un feu de cheminée ou un paysage au clair de lune, peuplé de femmes magnifiques au charme oriental, maquillées et d’une élégance raffinée et d’hommes resplendissant par leur humanité. Même à l’aube de ses 70 ans, Ahmed Cherif Machichi travaille d’arrache-pied : il peint toute la journée et peut passer plus de trois semaines sur un tableau. Mais le jeu en vaut la chandelle : certaines de ses œuvres peuvent atteindre 100 000 dh à la vente.

Aujourd’hui, le peintre veut renouveler son style en utilisant des couleurs plus pâles. Adepte de « fantasias » qui illustrent les moussems des cavaliers zaïanes, originaires du Nord du Royaume, il prépare toute une série sur ce thème. Ahmed Cherif Machichi n’est pas que le peintre du mouvement, c’est aussi un peintre en mouvement qui ne peut pas s’arrêter. « Si un métier nous plaît, on le fait avec une telle passion qu’on oublie parfois de se reposer. », conclut-il.

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