Duval MC : « La propagande médiatique qui a nourri le génocide des tutsi du Rwanda nous met face à nos responsabilités »

Un phrasé entre rap et ragga, des instrus autant influencées par la culture hip-hop que celle des sound-systems, des textes percutants et bien ficelés. Voici la recette du Marseillais Duval MC qui a sorti un troisième album en 2018 intitulé « Aucun rappeur », autoproduit et financé en partie grâce à une cagnotte en ligne. Le 6 avril 2019, il était invité à la Dar Lamifa à Marseille pour un concert par un collectif d’associations dont Survie et la Ligue des Droits de l’Homme afin de commémorer le 25^e anniversaire du début du génocide des Tutsi du Rwanda. Un sujet qui tient à cœur au rappeur et qu’il évoque dans plusieurs morceaux dont « Par les Ténèbres », figurant sur son deuxième album « état second ». En moins de cinq minutes, il arrive à résumer l’histoire, les mécanismes du génocide et ses origines plus anciennes tout en mettant en exergue la complicité de l’État Français dans sa mise en œuvre. Une prouesse. Duval MC est un des rares rappeurs à scander des textes aussi bien documentés sur le sujet. Fier d’être cultivé, le rappeur, fervent lecteur, « poukave quand ça le démange », les puissants de son pays surtout. Les présidents de la Ve République mouillés dans les affaires de la Françafrique, un certain entrepreneur qui veut mettre la main sur toutes les concessions portuaires en Afrique, les rentiers qui font fructifier leur argent dans les paradis fiscaux, les lobbys, les industries polluantes de l’Etang de Berre, d’où il est originaire, sont dans sa ligne de mire. Pourtant Duval Mc refuse l’étiquette de « rappeur engagé », il préfère se définir comme un lanceur d’alerte. Rencontre après ses balances.

Comment as-tu découvert l’histoire du génocide des Tutsi et qu’est-ce qui t’a donné envie de t’y intéresser plus en profondeur ?

Peux-tu conseiller des lectures qui t’ont permis d’y voir plus clair ?

Peux-tu expliquer comment s’est mis en place le génocide des Tutsi du Rwanda ?

Certaines associations comme Survie, des journalistes comme Patrick de Saint-Exupéry et même d’anciens militaires comme Guillaume Ancel présents sur le terrain dénoncent la complicité de la France dans ce génocide. Quels rôles ont joué les politiques français au pouvoir de l’époque dans sa mise en oeuvre ?

François Hollande avait promis de déclassifier les archives de l’époque liées au génocide. Finalement, il ne l’a pas fait. Emmanuel Macron les a rendues accessibles uniquement à un cercle de chercheurs qu’il a lui-même choisis. Pourquoi les gouvernements successifs sont-ils si frileux sur ce point ?

Les médias rwandais ont également nourri le génocide et attisé la haine anti-tutsi depuis le début des années 90…

La première fois que j’ai écouté certaines de tes chansons comme « Par les Ténèbres », « Mémoire Mauvaise » ou « Pompier Pyromane », j’ai été impressionné par la qualité documentaire de tes textes et je me suis dit : « Enfin un artiste qui arrive à évoquer ces sujets sans les édulcorer tout en les rendant compréhensibles. » Quand j’étais adolescent, certains groupes comme Zebda ou Refused ont suscité ma curiosité et m’ont donné envie de m’intéresser plus aux sujets qu’ils abordaient. As-tu rencontré des gens lors de tes concerts ou lu des commentaires sur le Net qui disaient : « Merci, grâce à toi, je sais ce qu’il s’est vraiment passé » ou un truc dans le genre ?

Tu abordes des sujets politiques ou de société dans tes chansons, mais tu es également très actif sur le terrain : tu as soutenu les ZAD de Notre-Dame des Landes, de Sivens en jouant là-bas, tu as participé à la Nuit Debout, tu milites contre la Françafrique, le nucléaire… Te considères-tu comme un rappeur engagé ?

A une époque, on parlait de « rap conscient » voire de « rap intello » pour des groupes comme IAM, Assassin ou MC Solaar. Te ranges-tu dans cette catégorie ?

J’ai quand même l’impression que dans le rap, et dans la musique en général, il y a de moins en moins de groupes avec des textes politiques, alors que les artistes sont de plus en plus indépendants des maisons de disques. N’est-ce pas paradoxal ? As-tu fait ce constat ?

Nous allons voté le 26 mai prochain pour les élections européennes. Est-ce que pour toi, voter reste important ou as-tu abandonné ?